Tes yeux
Tes yeux
Deux lacs noirs. Deux lacs noirs parfaitement symétriques. Dedans deux jeunes filles nues, identiques, aux gestes fluides et gracieux dansent sur le même rythme, faisant les mêmes mouvements au même moment. Leurs chevelures, ombres blondes presque or, tournoient autour de leurs visages si finement sculptés. Au loin, des milliers d’arbres aux branches dépourvus de feuilles, s’agitent dans une brise inexistante. Au dessus, le ciel virent au cramoisi et aucun oiseau – pas même un corbeau- ne vient troubler cette scène si mystérieuse.
Je m’arrache, avec
regret, à la contemplation de tes yeux le temps de reprendre mon souffle puis
m’y replonge quelques bouffées d’oxygènes plus tard.
Je reste stupéfiée. Je ne vois désormais plus que le noir de tes yeux de jais. Seul le contour de ta pupille se distingue par sa blancheur. Blanche comme neige. Enfin…comme de la neige pur. Celle qui vient juste de tomber du ciel. Celle qui se reflète dans tes yeux de granit qui semble tout voir et ne rien remarquer. Ce contraste m’a toujours étonnée et pourtant tes yeux, je les ai admirés et contemplés quelques centaines de fois.
Mon regard passe de
tes yeux à tes sourcils pour revenir à tes yeux.
Collines vertes et chatoyantes. Deux chevaux galopent, fous de libertés. L’ivresse du vent dans leurs crinières accroît leurs vitesses. L’un est blanc et l’autre noir. Sous leurs pelages qui paraissent si doux, leurs puissants muscles se déchaînent comme pour battre un record qui n’a jamais été donné. Le cheval noir dépasse le blanc, qui le dépasse lui-même. Leur jeu est sans fin mais jamais lassant.
Mes yeux étourdies
cherche un appuie sûr, pour se remettre de ce qu’ils ont vu. Un arbre aux
branches avides de feuilles vertes capte mes deux orbites. Je m’assoie devant
toi, dans l’herbe verte. Jamais je ne pourrais me passer de ces visions
d’horreur ou de splendeur. Jamais. Tu t’approches de moi, nos mains
s’effleurent, mon cœur bat un record de rapidité. Je suis née pour toi, mais la
réciproque n’est sans doute pas vraie. Une larme salée, vient chatouiller mon
nez. Pourquoi, oh, pourquoi la vie est-elle si injuste ? Ton doigt si doux
et translucide, essuie ma larme et gagne mon menton. Une légère pression sous
mon menton, me fait relever la tête. Je fuis tes yeux, ces responsables de mon
malheur. Toi, si gentil, tu ne prononces mot te contentant d’approcher tes
lèvres des miennes jusqu’au point de rencontre. Le goût amer de ta bouche me
désarçonne une fois de plus et je fixe alors tes yeux à la recherche d’une
explication valable.
Tourbillon de sable. Désert statufié, soleil tapant sur un dromadaire blasé. En arrière plan un oasis. Des palmiers vert grillé, de l’eau transparente et quelques silhouettes recouvertes de tissus. Le dromadaire se fond dans le décor clair ; il semble seul et pourtant il porte un jeune garçon vêtu comme les silhouettes. Le Sahara, lieu de chaleur par excellence. De la fumée semble se dégager du sable, mais ce n’est en fait qu’un tourbillon de plus. Ou peut être pas. Peut être est-ce le début d’une tempête de sable ?
Une fois de plus je suis contrainte de lever mes yeux des tiens, ne pouvant continuer à ne pas respirer. Mais cette fois je m’écarte de toi pour réfléchir quelques secondes :
J’aime tomber, couler,
me noyer dans les puits sans fond, que sont tes yeux. Abîme noir et puissant,
ils m’attirent irrésistiblement. Lorsque je me plonge dans leur contemplation
je n’en ressort jamais indemne. Oh que non. L’effet que me font tes deux yeux
rivés sur moi –et ce qu’ils me montrent aussi- est indescriptible. Tout ce que
je sais, c’est que je t’aime encore plus que l’instant d’avant.